Cédric Neumann - Socio-histoire de la construction managériale de l’informatique en France
10 février 202515h - 17h
Le séminaire So.Hist-Info, coordonné par Mathilde Fichen, Camille Paloque-Bergès et Adrien Tournier au laboratoire HT2S, vous convie à sa quatrième séance :
10 février 2025 de 15h à 17h
Le séminaire se tiendra en hybride au Conservatoire National des Arts et Métiers, au 2 rue Conté, 75003 Paris, en salle 30-1-18. Un lien de connexion sera communiqué sur cette page avant l’évènement. Pour assister au séminaire, veuillez vous inscrire ici.
- Cédric Neumann (HT2S, Cnam)
- Discutant : Pierre Labardin (La Rochelle U.)
Pour une présentation intitulée :
Socio-histoire de la construction managériale de l’informatique en France
La socio-histoire a été définie par G. Noiriel comme l’utilisation d’outils conceptuels de la sociologie dans les enquêtes historiques dans le but de dénaturaliser les relations de pouvoir en retraçant leur genèse et leurs origines occultées. L’omniprésence actuelle des outils numérique et la manière dont elle peut affecter des relations de pouvoir – entre l’Etat et les entreprises ou encore entre salariés par la redéfinition du travail par exemple – n’a été que peu l’objet d’une socio-histoire entendue au sens strict. En effet, les recherches françaises de sciences sociales ont peu étudié la question du passage de la mécanographie à l’informatique. Cette ignorance de l’informatique qualifiée rétrospectivement de « lourde » a conduit réciproquement à accorder une importance réduite aux utilisations managériales de l’informatique qui se sont constituées dans les années 1960. En effet, d’une part, l’utilisation des ordinateurs dans des tâches de gestion a conduit à une extension de leur marché, d’autre part, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, les ordinateurs ont d’abord été conçus comme de nouvelles machines mécanographiques, puis sont apparus comme un phénomène nouveau, « l’informatique », défini par des propriétés managériales opposés à celles de la mécanographie. Ce travail de définition a conduit à la création de nouvelles équivalences entre les machines et le management dont le produit, l’informatique telle qu’elle est entendue par des managers, naturalise des politiques managériales en les faisant dériver d’une nécessité technique. Ces équivalences constituent toujours le cadre d’appréhension actuel du numérique qui s’est donc construit dans les années 1960 autour du passage, dans le domaine de la gestion, des machines classiques (grands ensembles à cartes perforées, machines comptables) aux premiers ordinateurs. En m’appuyant sur mes recherches je voudrais donc montrer dans cette communication qu’une socio-histoire de l’informatique doit réévaluer l’importance du management dans la généralisation de l’informatique et dans l’émergence des utilisateurs individuels. En effet, dans ce cadre de recherches, l’oubli des origines du numérique conduit à sa réification. Cette réévaluation doit, par ailleurs, poser la question des modalités de circulation et d’intériorisation de ces thématiques managériales. Pour cela j’aborderai trois points qui me semblent importants dans une perspective de socio-histoire de l’information. D’abord, l’association des ordinateurs à une gouvernementalité différente des machines classiques de la mécanographie. C’est cette gouvernementalité basée, sur l’anticipation, la flexibilité, la souplesse et non la productivité qui est au fondement de la conception managériale de l’informatique. Ensuite, une analyse du rôle des SSII dans la mise en forme managériale de l’informatique afin de donner une perspective historique à l’externalisation informatique que des analyses en termes de capitalisme de plateforme tendent à effacer en se focalisant sur incarnation technologique plutôt que sur l’analyse des processus sociaux dans laquelle elle s’inscrit. Enfin, j’examinerai les interactions entre la construction managériale de l’informatique et sa construction disciplinaire. En effet, les milieux managériaux ont revendiqué une prise en charge de la formation des informaticiens par l’enseignement supérieur tout en critiquant les contenus universitaires de l’enseignement de l’informatique. Ainsi, durant les années 1970, la politique de formation à l’informatique a tenté sans succès d’imposer l’informatique de gestion comme domaine hégémonique de l’informatique.