Phase 2 du programme "Légitimations du savoir" 2015

La deuxième année du programme de recherche "Légitimations du savoir : le rôle des techniques dans la construction sociale des savoirs" consacre ses travaux à la thématique : 
 
Négocier la légitimité des savoirs :
des acteurs multiples entre systèmes et dispositifs techniques

Partenaires et comité scientifique


Cette deuxième phase est soutenue par le LabEX HASTEC et un consortium de partenaires académiques.

Le comité scientifique est composé par les jeunes chercheurs qui présenteront leur recherche à la lumière des problématiques de la Légitimation des savoirs :
- Lisa Chupin (doctorante Cnam/DICEN-IDF)
- Orélie Desfriches-Doria (post-doc ENSCII/DGA/DICEN-IDF/Cnam)
- Gérald Kembellec (MCF Dicen-IDF/Cnam)
- Samuel Hayat (post-doc Cnam/Lirsa/HT2S)
- Camille Paloque-Berges (IR Cnam/HT2S/DICEN)
- Catherine Radtka (post-doc CNES/ISCC)

Ce comité est complété par les membres du comité scientifique et partenaires de la phase 1 : Jean-Claude Ruano-Borbalan (HT2S, Cnam), Ghislaine Chartron (DICEN, Cnam) ; Manuel Zacklad (DICEN, Cnam) ; Philippe Bouilloud (CERS, ESCP) ; Olivier Badot (CERS, ESCP) ; Loïc Petitgirard (HT2S, Cnam).

Le centre Alexandre Koyré (EHESS) s'est joint à notre projet, notamment pour soutenir la journée d'étude d'avril 2014 accompagnant cette 2ème phase.

Un enregistrement des séances et une restitution sous une forme synthétique seront opérés systématiquement, avec publication sur le site du projet (legitimes.hypothèses.org).
 

Programme des ateliers


ATELIER 1 : 26 février 2015, 10h-12h, salle 21.1.16 : Gérald Kembellec (MCF Dicen-IDF/Cnam) : Les systèmes de recommandation : la négociation de nouveaux acteurs techniques.
Présentation d’un ouvrage collectif récemment publié en 2014. Historiquement basée exclusivement sur l'appréciation humaine, la fabrication de la prescription, dans le cadre d'une économie de la connaissance, se renégocie par l'algorithmie depuis l'apparition du Web social. Elle s'appuie sur une analyse automatisée des traces laissées par les acteurs sur les réseaux sociaux pour faire émerger et prescrire des connaissances "légitimes" selon les goûts des individus. On étudiera la manière dont sont fabriqués des contenus de savoir personnalisés.
Discutant : Guillaume Sire (Carism/Paris 2) sur les questions historiques et contemporaines relatives aux industries culturelles et à la fabrique du consentement.

ATLIER 2 : 11 mars 2015, 10h-12h, salle 21.1.16 : Catherine Radtka (post-doc CNES/ISCC) : Politique des technosciences et justification par les publics. Présentation des recherches en cours sur la manière dont les activités spatiales acquièrent un statut légitime en France dans la seconde moitié du XXè siècle en étudiant particulièrement comment l’image publique et les imaginaires associés à l’exploration spatiale évoluent conjointement au développement des techniques spatiales.
Discutants : Clément Mabi (Costech/UTC) sur la notion de démocratie technique numérique : quelle place pour les publics ?

ATLIER 3 : 9 avril 2015, 10h-18h, Amphi Jean-Baptiste Say : Journée d’étude « Dispositifs hybrides de négociation du savoir » (en collaboration avec le séminaire Sciences et Techniques en Interférences).

9h30 : Ouverture de la journée avec deux interventions programmées dans le cadre des ateliers Légitimations du savoir.

10h : Orélie Desfriches-Doria (ENSCII/DGA et DICEN-IDF/Cnam)
Gestion des connaissances multi-acteurs pour la construction de l’expertise à partir d’une controverse sur les gaz de schiste.
Discutant : Michel Letté (HT2S/Cnam), pilote du projet RisCom Gaz de Schiste (ISCC/CNRS-Cnam).

11h : Lisa Chupin (DICEN-IDF/Cnam)
"Les formes de gouvernance des herbiers numériques comme traduction de principes de légitimation des savoirs".
Discutante : Muriel Guedj (LIRDEF/Université de Montpellier).

12h : Pause déjeuner

14h : Table ronde animée par le séminaire Sciences & Techniques en Interférences

Thème : Edition collaborative et médiation des sciences et techniques : argumentaire.

  • Alain Bernard (Centre Koyré, HASTEC et UPEC-ESPE, groupe “interférences”) Autour de l’édition d’un recueil de texte commentés sur le thème du projet HASTEC “Les séries de problèmes, un genre au carrefour des cultures”. [Descriptif détaillé]
  • Muriel Guedj (LIRDEF/Université de Montpellier): autour de la valorisation collaborative des collections universitaires de l’université de Montpellier. [Descriptif détaillé]
  • Loïc Petitgirard et Michel Letté (HT2S/Cnam): autour du dispositif d’édition collaborative de l’atelier “La Lucarne”. [Descriptif détaillé]

ATELIER 4 : 17 juin, 14h-18h : Double séance sur les questions de légitimité dans la construction et la diffusion des savoirs sicentifiques et techniques au Cnam

Camille Paloque-Berges (HT2S et DICEN/Cnam)
: Développements technologiques au cœur et aux marges des institutions : Le Cnam et l'informatique de réseau. 
Le déploiement des premiers réseaux Internet en France dans la collaboration entre des acteurs de centres de recherche, grands établissements de l’enseignement supérieur et entreprises (INRIA, Cnam, CNET, CGE, Bull…) dans les années 1980. Ce développement se fait dans l’ignorance des organes décisionnels, sans validation ni financement hiérarchique, et sur fond de querelle entre chercheurs et ingénieurs pour la définition légitime de la discipline informatique (c’est le moment où sont ouverts les premiers laboratoires de recherche en informatique).
Discutants : Francesca Musiani (CNRS/ISCC) sur la gouvernance numérique et les rapports de dépendance / indépendance face aux institutions.

Samuel Hayat (post-doc Cnam/Lirsa/HT2S). Le Cnam et la construction de la catégorie de “grand public”
Il s'agit d'étudier les prémisses, au XIXe siècle, l’émergence, au début du XXe siècle, puis les modifications successives jusqu’à nos jours de la catégorie de « grand public » comme cible possible, voire privilégiée, de la transmission de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) au Cnam. Pour cela, on avance l'hypothèse selon laquelle l’invention du « grand public » comme catégorie visée par la transmission de la CSTI accompagne la formation d’une séparation entre les travailleurs et les savoirs techniques utiles à la production.
Discutant : Cédric Neumann (IDHES-Paris-Ouest Nanterre la Défense).


Des séances du cycle de séminaire sont susceptibles d’être rajoutées en automne 2015.
 

Argumentaire général de la phase 2



Cette deuxième phase postule que le recours pratique aux techniques et technologies, dans un processus de construction d'un savoir est en corrélation avec des situations où la multiplicité des acteurs engagés, et la variété de leur statut, pourraient attirer une critique d'illégitimité. Est-ce que le recours aux techniques n'est qu'un argument ou une vraie force pour faire converger de expertises variées ? 

Le cas des négociations à travers des dispositifs numériques, qui constitue un des angles importants du programme "Légitimations du savoir", présente des situations qui ne sont pas inédites au plan historique (que l’on pense à la négociation technique multi-acteurs pour produire un livre par exemple) mais prennent une ampleur importante sur le plan documentaire. En effet, faire entrer les négociations dans un processus technique de documentation qui en garde la trace, c’est postuler qu’elles produisent quelque chose de légitime – intéressant à documenter. Au-delà, ou en deçà, de la cohérence du savoir produit (une « œuvre » idéale de savoir ou un ensemble fragmentaire de connaissances), on s’attachera à retrouver et analyser les traces de ces négociations (dans des dispositifs numériques, entre autres), pour retrouver et comprendre la construction sociale de ce savoir.

En ce qui concerne la variété des statuts du savoir, la pluralité ne suffit pas à déterminer les contours de nos objets de recherche. On doit constater aussi le fait que certains acteurs parties-prenantes sont en position d’extériorité par rapport au savoir « légitime par définition », c’est-à-dire cautionné par les institutions autorisées et leur système normatif. Un acteur, un discours peut cependant être reconnu comme légitime au regard de contextes et règles alternatives, et selon des effets d’échelle et de champs, il peut être déclaré illégitime. C’est cette tension que nous souhaitons étudier (normatif/alternatif), en l’inscrivant dans le rapport qu’elle peut entretenir aux dispositifs techniques tant matériels qu’intellectuels.

La multiplicité des acteurs entrant dans les processus de négociations et de validation des connaissances légitimes, quant à elle, se décline en des groupes socio-professionnels et catégories qui ont pour nous une valeur heuristique, en ce qu’ils nous permettent de cartographier les espaces de négociation :
- les acteurs légitimes « par défaut », appartenant au champ scientifico-académique (les savants) qui construit sa propre légitimation et ses hiérarchies de manière « internaliste » ; il faut y ajouter les acteurs du champ décisionnel du politique (la légitimité étant ici au plus près de sa définition étymologique), qui valident les processus et milieux de la production du savoir légitime grâce à des programmes et des politiques publiques, des structures de management de la recherche et de l’innovation scientifique ;
- les acteurs professionnels : des ingénieurs aux enseignants en passant par différents domaines de l’expertise et de l’activité professionnelle, dont la validation repose sur une position « externaliste » : ils sont validés fondamentalement par leur utilité sociale et surtout leur efficacité réelle ou reconnue ;
- les acteurs « illégitimes » : des profanes au amateurs en passant par la variété ambivalente de tout ce qui touche aux publics, traditionnellement repoussés dans la sphère de la réception et non de la production des savoirs ;
- il faudra y ajouter des acteurs « techniques », dont l’agence (agency) reste complexe à définir et analyser malgré sa prise en charge dans la théorie de l’acteur-réseau de Bruno Latour, mais qui est pertinente à poser dans le cadre des technologies numériques (programmes, logiciels, scripts… en interaction avec les comportements d’usagers).

C’est en étudiant dans des situations précises sur des enjeux de savoir, les interactions entre ces catégories (fondées sur des rapports de force, mais aussi de collaboration, de bricolage), ainsi que leur évolution diachronique et synchronique (la porosité nécessaire de leurs frontières) que nous les remettrons mieux en question. Les jeunes chercheurs présenteront des travaux en cours, selon des perspectives d’histoire, de sciences politiques, de sciences-technologie-société, d’information-communication.