La médiation culturelle des sciences et des techniques à l'épreuve du plateau et de la participation

EXPOSE DES MOTIFS

EXPERIENCES : IMPLIQUER LES PUBLICS, SI POSSIBLE AVANT ET PENDANT ...

UN SEMINAIRE ET DES ATELIERS

"Scènes de science-friction" pour et avec les publics

Ce séminaire vise à construire une proposition de confrontation des expériences de médiation culturelle des sciences et techniques par le théâtre, expériences visant plus particulièrement la participation des publics. Sont comprises ici toutes les formes de mise en scène des corps et discours sur la fabrication conjointe des sciences et de la société (STS).

Bien des expériences portées par cet objectif ont été tentées. Elles émanent de différents champs de l’intervention sociale et culturelle, mais aussi de la réflexion sur le rôle de la participation des publics dans le contexte aujourd'hui d’une remise en question du fonctionnement de la démocratie représentative et du rôle des experts.

Toutes renvoient à leurs façons et à des degrés divers aux domaines de l’innovation pédagogique et du partage des savoirs, de l’éducation populaire, de la création artistique, de la formation professionnelle ou encore de l’action militante en faveur de l’appropriation citoyenne des questions sociotechniques et environnementales.

Il y a évidemment bien des façons de dire les choses mais une préoccupation commune est de faire en sorte que les publics s’approprient – au moins en partie – les dispositifs de médiation culturelle des sciences et techniques en société (STS) qui leur sont destinés.

Afin de confronter idées et pratiques dans ce domaine, une rencontre/séminaire mensuel est organisé en 2018 au Théâtre de la reine blanche (18h‐21h). L’intérêt pour chacun∙e serait de cerner les potentiels et limites de ses propres pratiques d’intégration des publics à leurs dispositifs, depuis l’animation d’un débat après une représentation théâtrale jusqu’à la co‐construction en amont des contenus et façons de faire avec les publics.

EXPOSE DES MOTIFS

Tournant STS de la culture scientifique et technique – controverses et conflits sociotechniques ‐ participation citoyenne aux décisions en matière de sciences et techniques déterminant des choix de société – injonctions à faire « participatif »

La culture scientifique et technique rassemble savoirs et savoir‐faire pour la conception et l’animation de dispositifs de médiation des sciences et techniques. Elle a longtemps eu pour vocation de vulgariser et de transmettre des connaissances robustes comme fondement d’une appréhension rationnelle du monde. C’est là le domaine traditionnel de la diffusion en soutien à l’instruction publique, relevant en grande partie de l’éducation populaire. Sa fonction est d’éveiller la curiosité, de faire aimer et comprendre les sciences et les techniques, notamment dans ce qu’elles comportent d’outils pour l’émancipation et l’usage d’une autonomie de la pensée et de l’action. Les pratiques ont alors dans ces domaines pour objet de sensibiliser tous les publics, notamment les plus jeunes, et particulièrement les jeunes filles afin de les attirer vers les filières de formation scientifiques et techniques.

Le champ des pratiques de la diffusion de la culture scientifique et technique s’est cependant élargi afin d’y intégrer une dimension à la fois plus sociale et politique. Car les publics auxquels ladite culture scientifique et technique s’adresse ont tendance à se mêler de ce qui les regarde : environnement, santé, risques, expertise, liberté individuelle et collective, financement de la recherche, impacts sociaux des technosciences, bioéthique, démocratie ... parmi de nombreux registres d’interrogation sur ce que les sciences et techniques font à la société, et réciproquement.

La question de la fabrication conjointe des technosciences et de la société est en effet devenue cruciale, mais aussi de plus en plus conflictuelle. Le besoin de débattre publiquement s’est banalisé. Des innovations supposées devoir améliorer radicalement nos conditions d’existence sont devenues des sources de controverses permanentes. Des décisions en matière de technoscience sont comprises à juste titre comme autant de choix de société.

Les publics revendiquent en conséquence l’édification d’une démocratie technique et environnementale, invoquant autant les menaces que les espoirs, les solutions comme les problèmes supportés par l’économie de la promesse technoscientifique.

Les formes du dialogue avec les publics évoluent en conséquence autour de ces questions entre conflits et compromis. Se recompose de cette façon tout l’assemblage des sociétés humaines et des technosciences dont les traductions culturelles sont l’une des manifestations les plus évidentes.

Ce qui suppose de considérer autrement les publics visés, non plus seulement comme des réceptacles passifs de savoirs vulgarisés mais comme des publics directement concernés. Société de la connaissance, démocratie et dialogue civil ont partie liée.

Cette dimension dite STS de la culture scientifique et technique ne peut donc plus être aujourd'hui ignorée. Dans le droit fil de la transformation conjointe des technosciences et de la démocratie, les pratiques de médiation évoluent, de même ses ambitions.

Au demeurant, les injonctions faites aux acteur∙rice.s de la médiation culturelle des sciences et techniques sont nombreuses mais parfois contradictoires. La médiation doit contribuer à lutter contre les comportements et les attitudes irrationnelles, les croyances obscurantistes et les formes les plus extrêmes de radicalisation. Ses dispositifs doivent contribuer à réduire la fracture numérique et combler le fossé générationnel. Ils doivent assurer l’adhésion massive au projet d’édification d’une économie de la connaissance performante, à l’impératif d’un régime d’innovation permanente et du progrès technoscientifique. Enfin, parmi les dernières vertus attendues des actions de médiation culturelle des sciences et techniques, la confiance des citoyen∙ne∙s envers la démocratie représentative/délégative et ses experts occupe une place non négligeable. L’injonction à la participation sous toutes ses formes est devenue un leitmotiv des politiques publiques à laquelle n’échappe pas la culture scientifique et technique. Comment la médiation culturelle des sciences et techniques peut‐elle en rendre compte ?

Il est question dans ce séminaire de discuter la forme la plus incarnée des relations entre artistes, médiateur∙rice.s, scientifiques et publics, à savoir les différentes formes du théâtre, ou de façon générale des « arts de la scène ». C’est cette voie de réflexion et de pratique d’une médiation participative des sciences et techniques en société que nous avons exploré à différents niveaux d’intervention (création et culture, enseignement, formation, intervention sociale et éducation populaire). C’est à la réflexion et à la confrontation des expériences que nous invitons cette année.

EXPERIENCES : IMPLIQUER LES PUBLICS, SI POSSIBLE AVANT ET PENDANT ...

Pour toutes les raisons invoquées plus haut, les acteur∙rice∙s de la médiation culturelle des sciences et techniques en société sont incités à renouveler leurs modes d’intervention afin de répondre aux souhaits d’une plus grande interaction avec les publics sans pour autant savoir toujours comment s’y prendre. A suivre à la lettre les injonctions les plus courantes, les dispositifs devraient être ainsi co‐construits, évolutifs, collaboratifs, ouverts, collectifs, démocratiques, citoyens, numériques, appropriables par tous les publics et à tout instant, et si possible avec peu de moyens.

C’est dans ce contexte que s’est engagée la quête tout azimut d’autres types d’équipements intellectuels et pratiques pour la médiation. Des expériences visent ainsi à (ré)inventer des formes d’implication des publics dans des dispositifs interactifs, voire à les impliquer dès l’amont afin de produire, de créer et de réaliser avec et pour eux.

Bien des expériences ont été menées, mettant à l’épreuve de la scène les questions politiquement et socialement vives suscitées par les sciences et les techniques dans ce qu’elles comportent de controverses ‐ voire de conflits ‐ dans leurs rapports à la société. Ces expériences rendent compte à leurs façons d’une volonté de faire avec et pour les publics afin qu’ils s’approprient des questions qui les concernent au premier chef, toutes celles mentionnées plus haut mais d’autres encore auxquelles nous sommes incapables de songer à moins de les formuler directement avec les publics concernés.

De ce foisonnement du design culturel émerge nombre d’expériences. Le théâtre ‐ les arts de la scène en général ‐ compte parmi les voies de réalisation les plus fructueuses, avec des expériences de nature très différentes selon les publics concernés. Au sein même de la production contemporaine, le thème du rôle des sciences et techniques dans la transformation des sociétés présentes et futures, la question des intrications complexes entre sciences, techniques et société est l’objet de belles réalisations théâtrales. Elles sont généralement des adaptations d’œuvres de la littérature, mais aussi d’anticipation ou de science‐fiction. Mais pas seulement. La création a ici pleinement sa place.

Quelques initiatives originales ont de cette façon porté les questions STS sur la scène dans le jeu d’une interaction entre professionnel∙le∙s, scientifiques, artistes, médiateur∙rice∙s et publics. Le dispositif “binôme” est l’un d’eux dont le succès aujourd'hui indéniable est une source d’inspiration. Il combine selon un protocole bien rôdé la rencontre d’un∙e scientifique et d’un∙e auteur∙e de théâtre, la mise en scène d’une courte pièce (voire d’une lecture performée), la représentation par un groupe de comédien∙ne∙s le résultat du travail d’écriture et de mise en scène. Un débat est ensuite engagé avec le public et les personnes impliquées dans la mise en pièce des sciences et techniques.

Ce dispositif n’est évidemment pas le seul au croisement de la scène du théâtre professionnel et du débat public. Le théâtre de controverse, la lecture performée, la conférence gesticulée, le stand‐up scientifique ou la création dédiée, suivi de son débat entre spécialistes et publics, déclinent de multiples façons les modes de représentation suivant (ou pas) les codes traditionnels du théâtre classique.

UN SEMINAIRE ET DES ATELIERS

Le théâtre de la reine blanche revendique de son côté l’opérationnalité du concept des « scènes de science ». Elles sont proposées depuis plusieurs années dans le cadre d’une programmation dédiée. Scientifiques et artistes mettent à l’épreuve de la scène une variété de propositions face public et parfois directement avec lui. Les variations sur le plateau s’enchaînent avec le souci de l’impliquer d’une façon ou d’une autre, même à minima.

Dans le prolongement des efforts entrepris par le Théâtre de la reine blanche, on propose de confronter et de mutualiser des efforts similaires de recherches et des expériences en vue de dégager des voies nouvelles de médiation par le théâtre participatif de thèmes plus proches des questionnements STS que de la transmission de savoirs scientifiques réputés robustes. Ce qui passe inéluctablement par la variété des modes d’interaction avec les publics selon des contextes de travail et de création différents.

Outre la scène et le désir de varier les formes d’implication, une autre chose nous rassemble : la volonté de partage des savoirs et savoir‐faire, celle de transmettre et de former à la culture des sciences et techniques. Que ce soit dans le cadre stricte de l’enseignement, de la formation professionnelle, de l’éducation populaire ou de l’intervention sociale, l’ambition demeure de poser des actes artistiques et scientifiques avec une résonance politique. Elles sont d’imaginer d’autres types de médiation des sciences et techniques en société, pour questionner d’autres représentations des publics et de leurs positions face aux questions STS.

C’est dans ce cadre que s’organise au Théâtre de la reine blanche un séminaire expérientiel sous la forme d’une série de séances/ateliers de présentations et discussions de nos expériences respectives.

7 séances auront lieu le lundi entre 18h et 21h à partir du 08 janvier 2018 dont le principe est celui de la liberté laissée aux intervenant∙e∙s de nous présenter comme ils/elles le souhaitent un ou plusieurs modes d’implication des publics. Il s’agira donc moins d’une conférence que de propositions de tester concrètement, d’essayer des exercices, d’impliquer si possible les personnes présentes, de donner à voir afin d’échanger à partir de ces expériences « en live ».

Le public sera composé des partenaires et de quelques étudiant∙e∙s en formation dans les domaines de la médiation culturelle des sciences et techniques au Cnam et d’ailleurs.

Toute une série d’initiatives, dont ce séminaire, est organisée en lien avec le chantier de production cette année d’une scène de science‐friction sur le thème « sciences et genre ». Détails sur https://trello.com/b/8hOVivd2